Lettre aux parents d’élève

Les personnels du collège tiennent à vous expliquer les raisons qui les poussent à rester mobilisés et à demander votre soutien mardi 2 avril.
Le gouvernement vient de faire passer un arrêté « choc des savoirs » qui prévoit, malgré les contorsions linguistiques de la Ministre de l’Éducation Nationale, l’instauration de groupes de « besoin » au collège en français et en mathématiques.
Ce projet est d’autant moins défendable que toutes les études sur le sujet aboutissent aux mêmes conclusions : les groupes de niveaux creusent les inégalités sans faire progresser les élèves les plus faibles. On devine par ailleurs aisément les effets délétères d’une telle sélection pratiquée dès le plus jeune âge. Les élèves les meilleurs ne sont eux-mêmes pas à l’abri, tous n’étant pas armés dès 11 ans pour faire face à la pression que constitue une telle mise en compétition. Quant aux plus fragiles, cette stigmatisation ne peut que les conforter dans l’image négative qu’ils ont souvent d’eux-mêmes et les faire renoncer.
M. Attal a beau protester qu’il s’agirait d’aider chacun au plus près de ses besoins, la réalité est toute autre : dans la mesure où cette réforme, en plus d’être insupportable dans son principe de tri social des élèves, est imposée sans moyens pour déployer les groupes et oblige – ô ironie – à mettre fin à une grande partie des dispositifs locaux destinés à favoriser la réussite de tous dans des disciplines présentes au brevet : heures d’aide personnalisée en français , mathématiques et histoire-géographie, demi-groupes en français pour favoriser la pratique du théâtre. L’autre alternative aurait consisté à supprimer toutes les options…Ce sont finalement tous les élèves qui pâtissent de cette réforme.
Les conséquences matérielles elles-mêmes seront lourdes. On a vu avec la réforme du lycée à quel point l’éclatement du groupe classe crée du mal-être. Chez les élèves, d’abord, ces êtres sociaux qui ne sont pas réductibles à une somme de compétences réussies ou échouées, et qui vivent avec l’adolescence un moment où la relation à l’autre est essentielle à la construction de soi. Chez les enseignants, aussi, qui ont vu leurs conditions d’exercice fortement dégradées avec l’explosion des cours en barrettes. Par ailleurs, cette réforme est l’occasion d’imposer aux professeurs des progressions communes, des manuels labellisés, des méthodes de travail. On est en train de transformer le métier d’enseignant en métier d’exécutant. On comprend bien l’intérêt de la chose à un moment où, faute d’avoir su attirer vers les concours d’enseignement, il va falloir recourir massivement aux professeurs contractuels.
Comment bien former des enfants avec des professeurs sous-payés, recrutés pour mettre en œuvre un cadre rigide ? Comment des enfants pourront-ils apprendre sereinement en étant sans cesse classés, catalogués, avec en jeu, perpétuellement, rien moins que leur poursuite d’études ? Quelle société préparons-nous en habituant des enfants de 11 ans à pratiquer l’entre-soi ? En renonçant à nous donner les moyens d’une formation exigeante pour tous ? Que deviendront, dans un avenir où les IA, les fake-news, les populismes auront un poids accru, des enfants qui n’auront pas bien été formés à l’esprit critique ?
Madame, Monsieur, quand d’autres familles préfèrent le repli sur soi que promeut l’école privée, vous avez fait le choix de l’école publique et laïque pour la scolarité de votre enfant, nous vous en sommes reconnaissants. Nous espérons vivement que vous comprenez pourquoi nous serons en grève –c’est une journée entière de salaire retirée– et que vous nous soutenez pour défendre un collège égalitaire pour vos enfants et un parcours sans obstacle vers le lycée professionnel, général ou technologique.

C’est pourquoi, en appui à la grève des enseignants contre cette réforme injuste,

nous vous appelons à ne pas mettre vos enfants dans les collèges landais mardi 2 avril et à venir rencontrer les professeurs devant les collèges DUSSARRAT pour la zone dacquoise à midi, et LUBET BARBON à St Pierre du Mont pour la zone montoise à 17 h, afin de discuter des suites et notamment de nos initiatives communes dès la rentrée le lundi 29 avril 2024.